" On a beau faire le tour du monde, on ne saurait rien voir de plus sublime que les dernières minutes d'une belle soirée d'automne sur les sommets glacés des Pyrénées, alors que le silence et la désolation des nuits montent des plaines assombries et que les pics tout entourés d'azur ou de vapeurs pourpres rougissent comme de la braise. " (Henry Russel)
" Les ours sont assez communes bêtes et sont de deux conditions, les uns grands, les autres petits de leur nature. (...) Toutefois, leurs vies et moeurs sont toutes unes, mais les grands sont les plus forts et ceux qui mangent parfois les bêtes privées. Ils sont merveilleusement forts, hormis la tête qu'ils ont très fragile, tellement que s'ils y sont frappés, ils sont étourdis et tombent morts si le coup est fort. L'ours se baigne, se souille et boit à la manière d'un sanglier, mais il mange comme un chien. Ils vont leurs amours en décembre, ou plus tôt ou plus tard selon qu'ils sont plus ou moins repus. Et quand l'ours fait sa besogne avec l'ourse, ils la font à la manière d'homme et de femme, tout étendus l'un sur l'autre. Et plus tard, comme l'ourse a conçu, elle se réfugie dans une caverne dans les rochers, où elle demeure jusqu'à ce qu'elle ait mis bas. Pour cette raison, on prend rarement des ours gravides. Les ours mâles demeurent dans des cavernes pendant quarante jours, sans manger et sans boire. Cependant, ils sucent leurs mains et, au quarantième jour, sortent dehors. "
Gaston Phébus, comte de Foix (1331-1391), auteur du Livre de la chasse, dont le précieux manuscrit enluminé est l'un des trésors de la Bibliothèque nationale
Antonio Machado , Charles Baudelaire , Alfred de Vigny , Retour
Padres son los viejos de un arriero Que Camino sobre la blanca tierra Y una noche perdio ruta y sendero y se enterro en las nieves de la sierra. |
Les deux vieux sont les parents d'un muletier qui a cheminé sur la terre blanche Et une nuit a perdu route et sentier Et s'est enseveli dans les neiges de la sierra. |
Charles Baudelaire a 17 ans lorsqu'il fait une petite randonnée à cheval dans les Pyrénées Centrales :
Incompatibilité
Tout là-haut, tout là-haut, loin de la route sûre,
Des fermes, des vallons, par delà les coteaux,
Par delà les forêts, les tapis de verdure,
Loin des derniers gazons foulés par les troupeaux,
On rencontre un lac sombre encaissé dans l'abîme
Que forment quelques pics désolés et neigeux ;
L'eau, nuit et jour, y dort dans un repos sublime,
Et n'interrompt jamais son silence orageux.
Dans ce morne désert à l'oreille incertaine
Arrivent par moments des bruits faibles et longs,
Et des échos plus morts que la cloche lointaine
D'une vache qui paît aux penchants des vallons.
Sur ces monts où le vent efface tout vestige,
Ces glaciers pailletés qu'allume le soleil,
Sur ces rochers altiers où guette le vertige,
Dans ce lac où le soir mire son teint vermeil.
Sous mes pieds, sur ma tête et partout, le silence,
Le silence qui fait qu'on voudrait se sauver,
Le silence éternel et la montagne immense,
car l'air est immobile et tout semble rêver.
On dirait que le ciel, en cette solitude,
Se contemple dans l'onde, et que ces monts, là-bas,
Écoutent recueillis, dans leur grave attitude,
Un mystère divin que l'homme n'entend pas.
Et lorsque par hasard une nuée errante
Assombrit dans son vol le lac silencieux,
On croirait voir la robe ou l'ombre transparente
D'un esprit qui voyage et passe dans les cieux.
Charles BAUDELAIRE, Poésies diverses, 1838
Alfred de Vigny, lui, se délecte du son du Cor, le soir, au fond des bois (surtout dans les Pyrénées)
Le Cor
J'aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.
Que de fois, seul, dans l'ombre, à minuit, demeuré,
J'ai souri de l'entendre, et plus souvent pleuré !
Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques
Qui précédaient la mort des Paladins antiques
Ô montagnes d'azur ! Ô pays adoré !
Rocs de la Frazona, cirque du Marboré,
Cascades qui tombez des neiges entraînées,
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées ;
Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,
Dont le front est de glace et le pied de gazons !
C'est là qu'il faut s'asseoir, c'est là qu'il faut entendre
les airs lointains d'un Cor mélancolique et tendre.
Souvent un voyageur, lorsque l'air est sans bruit,
De cette voix d'airain fait retentir la nuit ;
A ses chants cadencés, autour de lui se mêle
L'harmonieux grelot du jeune agneau qui bêle.
Une biche attentive, au lieu de se cacher,
Se suspend, immobile, au sommet du rocher,
Et la cascade unit, dans une chute immense,
Son éternelle plainte au chant de la romance
Âmes des chevaliers, revenez-vous encor ?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du corps
Roncevaux ! Roncevaux ! Dans ta sombre vallée
L'ombre du grand Roland n'est donc pas consolée !
Alfred de Vigny
La définition de la lieue (environ 4 kms) par Rabelais
D'ancienneté, les pays n'estoyent distinctz par lieues, miliaires, stades, ny parasanges, jusques à ce que le roy Pharamond les distingua, ce que feut faict en la manière que s'ensuyt.
Car il prit dedans Paris cent beaulx et jeunes gallans compaignons bien délibérez et cent belles garses picardes (...) leur faisant commandement qu'ilz allassent en divers lieux par cy et par là, à tous les passaiges qu'ilz biscoteroyent leurs garses, que ilz missent une pierre, et ce seroit une lieue.
Ainsi les compaignons joyeusement partirent, et, pour ce qu'ilz estoient frays et de séjour, ilz franfreluchoient à chasque bout de champ, et voylà pourquoy les lieues de France sont tant petites.
Mais quand ilz eurent long chemin parfaict, et estoient jà las comme pauvres diables (...) ilz ne belinoyent si souvent et se contentoyent bien (j'entends quand aux hommes) de quelque meschante et paillarde foys le jour.
Et voylà qui faict les lieues de Bretaigne, de Lanes, d'Allemaigne et autres pays plus esloignéz si grandes.
RABELAIS, Pantagruel, p. 290.