Les transhumances |
La transhumance s’inscrit dans le paysage et les usages de la terre pyrénéenne et représente peu ou prou les us et gestes des anciens peuples nomades dans leur dernière étape avant la sédentarisation. Les spécialistes s’accordent pour considérer que cette pratique est vieille, en Ariège, de plus de 5000 ans. Faute de documents, il est délicat de remonter au delà du 12e siècle, mais on retiendra qu’au 8e et 9e siècles, l’implantation des villages est déjà acquise à plus de 80% et par conséquent les usages de transhumance bien établis entre vallées et montagne. Les textes qui apparaissent au 13e ne font d’ailleurs que confirmer des pratiques immémoriales. Au 13e siècle, l’abbaye de Boulbonne fait transhumer ses bêtes à Génat où elle possède une grange ; en 1293, le comte de Foix Roger Bernard confirme aux habitants leurs droits à négocier les pâturages d’altitude avec leurs voisins andorrans et catalans ; enfin, la lecture de l’interrogatoire du berger Pierre Maury par l’Inquisiteur Jacques Fournier en 1325, montre une transhumance très organisée : tout dans ces éléments, montre la pérennité des usages de l’élevage en montagne dans le paysage humain où s’inscrivent les derniers cathares.
Il existait à l’époque deux transhumances, d’été et d’hiver (celle d’hiver ayant aujourd’hui tendance à disparaître). Toute la partie « montante » de notre itinéraire coté français, a été marquée par la transhumance d’été. Les bêtes du Pays d’Olmes ou de Tarascon montaient sur le massif de Tabe et les premières gagnaient même le pays d’Allion par les gorges de la Frau, où elles retrouvaient celles venues d’Ax. Parties aussi des alentours de la ville thermale, d’autres montaient vers En Beys, Orgeix ou les Bézines. Les pâturages entre Mérens et l’Andorre furent d’ailleurs l’objet de longs procès et de rapides mais sanglants affrontements. Cette transhumance activait (et active encore), à leur descente, les grandes foires à bestiaux d’Ax, Tarascon et Lavelanet, pour le plus grand bonheur des cathares. En effet, le vaste brassage de population et la joyeuse cohue qu’elles impliquaient permettait à ces derniers d’aller et venir sans grand risque d’attirer l’attention. C’est après la foire de la Saint-Michel à Tarascon que Pierre Autier et son frère Guillaume s’éclipsent en Lombardie où ils deviendront bonshommes. C’est grâce au même prétexte, que quelques années après Guillaume revient à Tarascon et y tient une série de prêches secrets en compagnie de Prades Tavernier.
Aussi importante à l’époque que cette transhumance estivale, existait une transhumance d’hiver, destinée à trouver des pâtures aux troupeaux montagnards pendant la période froide. Elle était censée se dérouler de la montagne vers la plaine toulousaine, mais cette dernière, de plus en plus occupée après le développement des bastides au 13e siècle, se tournait essentiellement vers l’agriculture. Les montagnards du comté de Foix se tournèrent alors vers le sud et la Catalogne… Les montaillonais, par exemple, menaient au début du 14e siècle, leurs bêtes jusqu’aux environs de Morella par une transhumance itinérante passant par Mérens, le Campcardos, Gosol et Berga. Ils n’étaient évidemment pas les seuls à suivre cet itinéraire, mais les interrogatoires de Jacques Fournier nous permettent d’en connaître aujourd’hui les moindres détails et d’y associer les cathares. Ces derniers se mêlèrent en effet souvent aux bergers, reprenant à leur compte une variante symbolique du thème d’Ulysse et ses compagnons échappant au cyclope Polyphème en s’accrochant au ventre des brebis... Le berger Pierre Maury, fidèle parmi les fidèles, apparaissant comme le grand organisateur des transferts de personnes sous couvert de transhumance. Avec l'aimable autorisation de l'association "Sentiers Transfrontaliers Pyrénéens".